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samedi 8 juin 2013

Le Mirage des gaz de schiste...

Gaz de schiste: «Pour créer 100.000 emplois en France, il faudrait creuser plus de 83.000 puits»

Rencontre avec Thomas Porcher, économiste à l’ESG MS et auteur de l’ouvrage «Le mirage des gaz de schiste»…

Deux parlementaires, le député PS Christian Bataille et le sénateur UMP Jean-Claude Lenoir, viennent de publier un rapport défendant l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste. 20 Minutes fait le point avec Thomas Porcher, économiste à l’ESG MS et auteur de l’ouvrage Le mirage des gaz de schiste.

>>A lire également, l'interview de l'économiste Patrice Geoffron: «L’Europe devrait faire un inventaire de ses ressources»

Vous pensez que les gaz de schiste apporteraient peu à la France, mais un rapport parlementaire vient défendre ce jeudi leur exploitation. Comment l’expliquez-vous?

Parce que le débat est mal posé. On transpose à la France ce que les gaz de schiste ont apporté aux Etats-Unis, alors que nos marchés fonctionnent totalement différemment. Le marché du gaz américain est un marché spot: le gaz s’achète au jour le jour et le prix est fixé dans l’instant –sans être adossé au pétrole. La France a un marché plus rigide à cause des contrats à long terme, sur vingt ou trente ans, signés avec les pays exportateurs.
Si elle exploitait demain du gaz de schiste, elle serait toujours liée par ces contrats! Et pour les renégocier, il faudrait produire suffisamment pour établir un rapport de force avec les pays exportateurs. Rien n’assure que la production de gaz de schiste soit suffisante pour nous le permette et cela ne pourra se faire qu’ à condition d’exploiter massivement le gaz de schiste. Plusieurs dizaines de puits ne changeront pas la donne, il faudra en forer des dizaines de milliers.

D’après les rapporteurs parlementaires, les Etats-Unis exploitent peu le gaz de schiste, mais surtout le pétrole de schiste. Pourquoi?

Parce que le prix du gaz n’est pas suffisamment élevé pour financer les investissements. Les pétroliers préfèrent exploiter les huiles de schiste (le pétrole de schiste) qu’ils peuvent revendre à 100 dollars le baril sur le marché. D’ailleurs, tous les calculs sur les avantages compétitifs du gaz de schiste ont été effectués en France avec un prix du gaz de schiste à 3 dollars.
Certes c’est à ce niveau qu’il est tombé aux Etats-Unis en 2012. Mais rien ne dit que ce prix sera stable sur le long terme. Il est déjà remonté aujourd’hui à 4 dollars et les pétroliers voudraient qu’ils atteignent 7 à 8 dollars pour continuer à investir. Or, à ce niveau, le gaz est au même prix qu’en Europe…

Mais ne faudrait-il pas permettre au moins l’exploration de nos sous-sols pour pouvoir évaluer concrètement le gain économique possible?

Mais qui va réaliser cette exploration et surtout, qui va la payer? Première possibilité: le financement est assuré par des fonds publics… Vu l’état de nos comptes publics, cet argent serait sans doute plus utile ailleurs. Seconde option: une compagnie décide de réaliser ces explorations sur ses propres fonds. Elle attendra forcément un retour de cet investissement… Donc une exploitation.
Regardez en Pologne: les compagnies avaient assuré avoir détecté des réserves énormes en gaz de schiste, afin d’accélérer les processus de décision, et aujourd’hui, il s’avère que ces ressources sont bien moins importantes que prévues… Certains exploitants ont même jeté l’éponge.

Ce qui décide certains syndicats de salariés à défendre ces gaz, c’est les possibles créations d’emplois. On parle de 100.000 emplois d’ici à 2020. Cela vous semble-t-il réaliste?

Les Etats-Unis dénombrent 500.000 puits, qui ont créé 600.000 emplois. Soit 1,2 emploi par puits. Pour créer 100.000 emplois en France en 2020, il faudrait donc creuser plus de 83.000 puits, soit plus d’une trentaine par jour. Est-ce que notre territoire le supporterait? Cette question n’a jamais été posée.

Les parlementaires auteurs du rapport proposent de reverser une partie des gains liés à l’exploitation des gaz de schiste aux collectivités locales concernées et aux propriétaires des terrains. Qu’en pensez-vous?

Les pétroliers ont utilisé cette technique aux Etats-Unis. Les propriétaires des terrains recevaient des redevances sur la production. Au début, cela a très bien fonctionné. Ce n’est plus le cas. Pas seulement à cause du dérangement provoqué par le bal des camions et le bruit des travaux, mais parce que la présence d’un puits de gaz de schiste fait perdre de la valeur à son bien immobilier. Une étude réalisée par le National bureau of economic research (NBER) démontre que la présence d’un puits dans un périmètre de 2.000 mètres fait perdre 24% de sa valeur à un terrain.
Propos recueillis par Céline Boff

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