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vendredi 10 décembre 2010

La décolonisation n' a jamis eu lieu...

Françafrique : visite du pré carré africain de la France

Comment montrer la Françafrique ? Le pari est toujours audacieux. Le réalisateur Patrick Benquet s'y essaie, jeudi soir, sur France 2, dans « Françafrique, cinquante années sous le sceau du secret ». Avec des petites perles et quelques clichés, le tour d'horizon ravira les néophytes, mais pourra aussi décevoir les spécialistes ès barbouzeries continentales.

La réalisateur Patrick Benquet semble plutôt appartenir à la première catégorie, tandis que son conseiller historique, Antoine Glaser, rédacteur en chef de La Lettre du continent, fait sans aucun doute partie de la seconde. L'attelage est parvenu à produire deux films de 80 minutes bien articulés, où la continuité historique de certaines pratiques clandestines est habilement mise en images.

S'il appartient au monde des profanes, le spectateur se délectera d'épisodes mis en exergue depuis la période des indépendances. La mort de l'opposant camerounais Félix Moumié (empoisonné par un réserviste du Sdece (Service de documentation extérieure et de contre-espionnage) à Genève en 1961), par exemple, permet de comprendre jusqu'où la République était prête à aller pour préserver ses intérêts.

Là encore, les experts n'apprendront rien, mais le récit fait par Maurice Delaunay, éminent membre du clan des Gabonais et des services secrets, vaut son pesant de cynisme. (Voir la vidéo)


Si le spectateur est déjà initié au jeu des masques et de la politique africaines, on retiendra, dans la première partie, intitulée « La Raison d'Etat » :

  • L'aveu de Maurice Delaunay (ambassadeur au Gabon, puis cadre d'Elf) à propos de l'assassinat de Moumié : « Il y a des moments où la politique passe avant la morale. »
  • Celui d'Albin Chalandon (PDG d'Elf de 1977 à 1983) à propos du régime congolais de Sassou I, époque marxiste : « Il vaut mieux avoir un régime communisant stable que des régimes comme on a eu après -républicains, calqués sur notre République, nos mauvaises méthodes politiques- qui étaient tout le temps renversés. C'est pire que tout pour des industriels. »
  • Le récit circonstancié de Pierre Marion, patron de la DGSE (1981-1982), qui malgré la « purge » d'une trentaine d'agents au sein du service, ne parviendra pas à éradiquer l'influence des réseaux Foccart

Comment Elf finançait la campagne du candidat Mitterrand

Dans la seconde partie du documentaire, « L'Argent roi », le spectateur pourra s'attarder sur le témoignage de Laurence Soudet (l'une des plus proches collaboratrices de François Mitterrand) racontant comment, dès l'élection présidentielle de 1965, elle alla chercher au siège d'Elf la « valise » de billets permettant de financer la campagne électorale du candidat socialiste. Exercice régulièrement répété jusqu'à la victoire de 1981. (Voir la vidéo)


Dans cette seconde partie du film, qui sera diffusée jeudi 16 décembre, les amateurs apprécieront aussi :

  • Les rodomontades de Robert Bourgi, l'avocat entremetteur des chefs d'Etat africains, expliquant comment El Hadj Omar Bongo (son client) transmet en 2002 à Jacques Chirac sa sélection personnelle pour le futur gouvernement Raffarin.
  • Le récit outré de Jacques Sales, ancien chef de poste de la DGSE à Libreville, qui narre les turpitudes de Bernard Kouchner, payé par Bongo pour un rapport à hauteur de « 140 000 euros la page pour dire que le système de santé ne marche pas au Gabon », audit que l'Agence française de développement aurait fait gratuitement…

Navigant entre des épisodes déjà très connus et quelques perles rares, le film ne parvient pas toujours à donner du sens à ce qu'on appelle la Françafrique : la mainmise à la fois militaire, juridique et économique de la France sur son pré carré africain. Une présence qui perdure bien après les indépendances des années 60 et cela grâce à l'influence de l'action clandestine.

Sur ce dernier point, retenons le constat que les fameux réseaux Foccart, transformés mais toujours très actifs, ont de beaux jours devant eux. Un constat sur lequel Antoine Glaser a parfois varié. Le point d'arrivée du film fait de l'actuel président de la République française « le représentant de commerce attentionné des grands groupes industriels », une conclusion qui peut paraître un peu univoque.

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