« Avatar » Film–Dialogue de James
Cameron
Vendredi
4 mai 2018, à 20h, salle Communautaire du Palais Social,
place de l’Évêché, 26150 Die.
Comme chaque
1er vendredi du mois, Ecologie au Quotidien, vous présente un film, suivi
d’un échange. En partenariat avec
l’Espace Social et Culturel du Diois, Cinéma Solidaire, animé par
Mediascitoyensdiois… Ce temps convivial permet d’échanger sur tous les
sujets sans apriorsi. Vous pouvez faire des propositions de Films-Débats voire
d’intervenants.
(
Préparation et Présentation à 19h30 ) Gratuit
(2h42)
L’action se
déroule en 2154 sur Pandora, une des lunes
de Polyphème, une planète géante gazeuse en orbite autour d'Alpha
Centauri A, le système solaire le plus proche de la Terre. L’exolune,
recouverte d’une jungle luxuriante, est le théâtre du choc entre des humains,
venus exploiter un minerai rare susceptible de résoudre la crise énergétique
sur Terre, et la
population autochtone, les Na’vis, qui vivent en parfaite symbiose avec leur
environnement et tentent de se défendre face à l’invasion militarisée. Un
programme est créé par les Terriens, le programme Avatar, qui va leur permettre
de contrôler des corps Na’vi clonés associés aux gènes d'êtres humains, afin de s’insérer
dans la population et de tenter de négocier avec elle. En effet, un clan Na'vi
important, les Omaticaya, est installé dans un arbre-maison gigantesque situé
sur un des principaux gisements de ce minerai convoité par les Terriens, l'unobtanium.
Les militaires protégeant les équipes de recherche voient d'un mauvais œil le
projet Avatar, beaucoup trop lent pour eux. Ils sont convaincus que la force
brutale tirée de leur avance technologique leur permettrait de conquérir la
planète en quelques jours. Le personnage central de l’histoire est Jake Sully,
un Marine paraplégique
qui, via son avatar, va devoir choisir son camp avec pour enjeu, le destin de
la planète.
- « Avatar » :
l’écologie doit être anticapitaliste
Après
l’échec du Copenhague institutionnel et la vivacité du Copenhague
mouvementiste, on peut être tenté de se tourner vers la vitrine du marketing
électoral d’Europe Ecologie. La bonne nouvelle ne viendrait-elle pas plutôt, et
paradoxalement, d’un vieux routier de l’industrie hollywoodienne, James
Cameron, avec son « Avatar » ?
Pas le
plus écolo, Marx pointait déjà la contradiction capital/nature
Marx, quelque
peu fasciné par le productivisme industriel de son époque, n’était pas exempt
d’ambiguïtés quant au rapport capitalisme/nature. Toutefois, il avait également
commencé à percevoir une des contradictions principales travaillant le
capitalisme en interaction avec la contradiction capital/travail : la
contradiction capital/nature. Ainsi, pour lui, la production capitaliste
épuisait « les deux sources d’où jaillit toute richesse : la terre et
le travailleur » (« Le Capital », livre I, 1867).
- Pour Gorz, impossible d’éviter
la catastrophe sans rupture radicale
André Gorz prolongea cette analyse en notre début de XXIe siècle :
« La question de la sortie du capitalisme n’a jamais été plus
actuelle », écrit-il dans « Ecologica » (éd. Galilée, 1998). Et
d’ajouter par avance : « Il est impossible d’éviter une catastrophe
climatique sans rompre radicalement avec les méthodes et la logique économique qui
y mènent depuis cent cinquante ans. »
C’est dans une telle perspective que s’est récemment situé le
journaliste Hervé Kempf : « Pour sauver la planète, sortez du
capitalisme » (éd. du Seuil, 1999).
- « Avatar » :
Hollywood dans la galaxie anticapitaliste ? Les dénonciations gauchistes du
capitalisme hollywoodien sont si courantes que les esprits anticapitalistes
pourraient avoir du mal à reconnaître des potentialités critiques dans une de
ses productions.
- Et pourtant… A des années-lumière de la Terre, la planète Pandora est
sous colonisation américano-occidentale. Un minerai rare suscite la convoitise
d’une multinationale (« The Company », comme dans la série des
« Aliens »), appuyée par des troupes militaires. L’argument de la
rentabilité financière (la rétribution des actionnaires est directement évoquée
dans le film) pousse à la double destruction de la nature et du peuple Na’vi.
Ecocide et génocide constituent ici un double horizon de la logique du
profit.
Cameron met en quelque sorte en images et en son une forme extrême de la
contradiction capital/nature. La trame narrative de la science-fiction,
reconfigurée avec de nouveaux effets spéciaux numériques, projetée en 3D, donne
une vérité éthique et politique proprement cinématographique à une composition
fictionnelle.
- Une critique sociale, sur un plan
sensible et intelligible Ce dispositif
cinématographique nous permet d’explorer au plus près de nos sensations un
autre monde, celui de Pandora et des Na’vis, en jouant tour à tour sur la
frayeur, la surprise ou la joie de la découverte. La critique sociale s’exprime
sur un double plan sensible et intelligible.
Cet
univers étrange, qui nous fait d’abord peur, puis nous émerveille, constitue
moins un des « autres mondes possibles » des altermondialistes que
l’envers de notre propre monde, un lieu imaginaire qui permet de mieux repérer
les failles de notre réalité quotidienne à la manière de l’île d’Utopia chez
Thomas More. Certes les Na’vis ont comme un parfum New Age, traînant une vision
stéréotypée de la communion de « primitifs » et de la nature. Mais le
savoir-faire particulier des auteurs les plus originaux des films et des séries
télévisées hollywoodiens consiste justement à prendre appui sur certains
stéréotypes pour en interroger d’autres. Nous sommes pris par la main dans la
familiarité d’autoroutes standardisées, mais ça et là s’ouvrent des sentiers
critiques, dans un cocktail détonnant de douces évidences et de piments plus
corsés.
- Sully vit une conversion existentielle, comme ces militants
anticapitalistes…
L’anticapitalisme d’« Avatar » est
indissociablement collectif et individuel. Se désintoxiquer de l’imaginaire
capitaliste passe aussi par une transformation de soi. Jake Sully (Sam
Worthington, déjà remarqué dans « Terminator 4 »), ancien marine
immobilisé dans un fauteuil roulant devenant « pilote » mental d’un
avatar (corps hybride d’ADN humain et de Na’vi), va connaître une véritable
conversion : d’inflitré chez les Na’vi à protecteur de leur mode de vie,
de soldat impérialiste à eco-warrior. Sully a
quelque parenté avec la figure des « militants existentiels »
anticapitalistes, caractérisée « par un travail spirituel et politique de
chacun de nous sur lui-même, soutenu par des communautés de vie », promue
récemment par le philosophe de l’économie Christian Arnsperger dans son
stimulant ouvrage « Ethique de l’existence post-capitaliste » (éd. du
Cerf, 2009). Cette révolution culturelle
personnelle prend les chemins de la fragilité dans « Avatar » :
un handicapé à l’âme guerrière, fasciné au départ par les capacités supposées
illimitées de son avatar, finira par assumer ses faiblesses d’être humain
mortel.
- Une écologie radicale, loin des niaiseries... Cependant,
Cameron ne suivrait pas Arnsperger dans son choix de la conversion
existentielle contre la voie révolutionnaire classique des rapports de forces.
Dans une conjoncture de menace extrême,
« Avatar » justifie le recours au combat et à la force. Dans
certaines circonstances, l’anticapitaliste vert conséquent doit aussi savoir
prendre les armes (au sens métaphorique, n’impliquant pas nécessairement le
maniement de la kalachnikov). Cette écologie
radicale appelle des clivages, des conflits, des affrontements. La
transformation personnelle et l’action collective contre les forces dominantes
apparaissent associées et non pas opposées.
Ecologie au Quotidien Rhône-Alpes
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