Mieux vivre ensemble… Osons la
fraternité !
XVIèmes Rencontres de
Die 2018
Du vendredi 26 janvier
au dimanche 04 février 2018
A Die, le Diois et dans
la Biovallée
Réunion organisation ce lundi 28 aout 2017 à 18h30 salle Fondgiraude de Die
Ouverte à toutes et tous
« Nous sommes dans une situation
historique, ou l’humanité risque la sortie de route. Pour éviter la sortie de
route pour l’humanité, il est très important de développer un
imaginaire
positif. Et l’imaginaire positif c’est du désir d’humanité. « Certes,
l’humanité est au 21ème siècle confrontée à des rendez vous cruciaux sur
lesquels elle joue sa propre existence ; mais de la même façon que le
rameau hominien, qui a failli disparaître à plusieurs reprises, a été capable
de se maintenir et de progresser, parce que il y a eut des sauts qualitatifs
dans l’ordre de la conscience, à l’intérieur de l’évolution biologique nous
sommes confrontés à un problème qui n’est pas dans l’ordre de l’évolution
biologique, qui n’est pas dans l’ordre de l’hominisation mais qui est dans
l’ordre de l’humanisation. » La question que posait Patrick Viveret
« aux Rencontres de Die », en 2016 pose est « Comment
grandissons nous en humanité ? Comment saisissons nous l’occasion de ces
défis ? Défi écologique, défi de passer des guerres de civilisations à des
dialogues de civilisations, défis d’une construction d’une citoyenneté et d’une
démocratie mondiale. » La question est donc bien : « Quel est
l’offre de projet de vie ? » Tant pour les individus que pour
l’humanité.
Et c’est
là, qu’il suggère de « produire de la haute qualité démocratique, c’est à
dire une démocratie qui change la nature du rapport au pouvoir ». Il
rappelle que c’est d’ailleurs le cœur du programme auto-gestionnaire , et
remarque qu’il y a une formidable actualité de la question auto-gestionnaire ;
parce que « la question humaine c’est la question de l’auto-gouvernance de
l’humanité par elle même ».
Il y a eu
un moment donné où, pour faire vraiment de la politique, il fallait construire
la mutation d’une société qui était une société civile en une société civique.
C’était l’émergence de tous ces mouvements de citoyenneté active dont le
mouvement alter-mondialiste est une des formes. Mais je considère qu’il s’agit
toujours d’un enjeu de nature politique. Il n’y a pas en effet une exclusivité
des partis politiques sur la question politique.
L’humanité risque la sortie de
route
Nous
sommes dans une situation historique où l’humanité risque la sortie de route.
C’est le point majeur à partir duquel il nous faut raisonner. L’humanité est
une espèce extraordinairement jeune, par rapport à d’autres espèces animales et
cela même si nous prenons le rameau hominien dans son ensemble.
C’est
bien sûr encore plus le cas si nous nous centrons sur le prétendu Homo Sapiens
Sapiens dont Edgar Morin a raison de dire qu’on ferait mieux de l’appeler Homo
Sapiens Démens, car sa folie est au moins égale à son génie ! Qu’est ce
que cent mille ans dans l’histoire d’une espèce ? Ce n’est pas faire du
catastrophisme que de dire que cette espèce extraordinairement jeune risque la
mortalité infantile.
C’est à
dire que nous sommes dans une situation ou les conditions, soit de notre propre
auto destruction soit de la destruction des conditions écologiques de notre
habitat, soit, ce qui est plus subtil et qui est également très important, la
destruction de notre désir d’humanité sont réunies. En effet, derrière le més-usage
des conditions du vivant, dont le clonage n’est que la forme émergée, il y a
des éléments beaucoup plus fondamentaux dès lors que l’espèce humaine est en
train d’acquérir les conditions de sa propre production et donc, éventuellement,
de sa propre mutation, d’ou l’enjeu du débat autour de la post humanité. Quand
on rassemble ces trois grands risques, le fait que depuis Hiroshima l’humanité
s’est constituée comme sujet négatif de sa propre histoire et qu’elle ne se
réussit pas à se re-construire en sujet positif de sa propre histoire, le fait
que si l’humanité détruit les conditions de son habitat écologique et le fait
qu’elle ne porte pas en elle un désir d’humanité suffisant, cette humanité là
peut parfaitement voir sa propre aventure se terminer , et se terminer en tête
à queue !
Çà n’est
pas une question de millénaire. C’est quelque chose qui commence à se jouer, et
dont une partie non négligeable va se jouer dans le siècle qui vient. Et de
tous les débats fondamentaux que nous devons avoir, celui concernant la
capacité à construire l’humanité en sujet positif de sa propre histoire est
probablement le plus essentiel. Ce débat correspond par excellence à l’ambition
la plus radicale et en particulier dans sa vocation internationaliste. Pour
éviter la sortie de route pour l’humanité , il est très important d’avoir un
imaginaire positif. Autant, comme le disait Hans Jonas dans « Le principe
responsabilité », il existe une heuristique de la peur, autant une
lucidité sur la gravité des risques est évidemment nécessaire. Sinon nous
sommes dans la politique de l’autruche.
Fournir un imaginaire positif
Il est
insuffisant d’intervenir simplement sur les peurs, parce que, inévitablement,
la peur finit par générer de l’impuissance et de l’angoisse. Nous avons
l’obligation de fournir de l’imaginaire positif, et l’imaginaire positif c’est précisément
du désir d’humanité. C’est le fait de dire, certes l’humanité est au 21éme
siècle confrontée à des rendez vous cruciaux sur lesquels elle joue sa propre
existence ; mais de la même façon que le rameau hominien a failli
disparaître à plusieurs reprises : parce que c’était l’espèce la plus
vulnérable, il a été capable de se maintenir et de progresser, parce qu’il y a
eut des sauts qualitatifs dans l’ordre de la conscience. A l’intérieur de
l’évolution biologique nous sommes confrontés à un problème de même nature qui
n’est pas dans l’ordre de l’évolution biologique, qui n’est pas dans l’ordre de
l’hominisation mais qui est dans l’ordre de l’humanisation :
« comment grandissons nous en humanité ? ». Comment saisissons
nous l’occasion de ces défis ? Que soit le défi écologique, que soit le
défi du passage des guerres de civilisations à des dialogues de civilisations,
que ce soit les défis de la construction d’une citoyenneté et d’une démocratie
mondiale. Comment les saisissons nous, de telle façon que l’humanité puisse à
travers ces rendez vous critiques franchir un saut qualificatif de sa propre
histoire ?
Les enjeux passionnels et
émotionnels sont déterminants
Alors,
là, nous tombons sur une question qui est rarement évoquée, en particulier sur
le plan politique : les enjeux passionnels et émotionnels sont
déterminants. La définition la plus classique du développement durable, c’est à
dire la capacité à satisfaire les besoins de la génération présente, sans
hypothéquer ceux de la génération future ». Une définition qui, certes,
représente une avancée considérable mais qui reste sur le plan anthropologique
une définition faible et réductrice, précisément parce qu’elle raisonne en
terme de besoin. Au sens strict, le besoin est ce qui permet à une espèce ou à
un individu de se maintenir en vie, et de progresser dans sa propre
reproduction et conservation. Or les problèmes de besoin sont des problèmes
simples à résoudre.
Ce qui
est compliqué, pour l’humanité ce n’est pas du coté du besoin, c’est du coté du
désir et de l’angoisse. Prenez les chiffres officiels du PNUD (Programme des
Nations Unies pour le Développement) : avec 50 milliards de dollars
supplémentaires par an, on pourrait éradiquer la faim dans le monde, permettre
l’accès à l’eau potable pour les 6 milliards d’êtres humains, assurer les soins
de base. Ce n’est pas un problème de rareté, ni physique, ni technologique, ni
monétaire, qui crée les condition du mal-fonctionnement mondial. Alors qu’on
n’arrive pas à trouver ces 50 milliards de dollars supplémentaires, on en
trouve 10 fois plus (500 milliards de dollars annuels) rien que pour les
dépenses de publicité, sans parler des dépenses d’armement (900 milliards de
dollars par an) ou celles consacrées aux stupéfiants (400 milliards de dollars
par an).
Cà veut
dire quoi ? Cela veut dire que le problème majeur du mal-développement
mondial n’est pas un problème de rareté et d’une logique linéaire du développement,
où il y aurait d’un coté des développés et de l’autre des « en voie de
développement » et dans notre grande compassion on serait prêts à faire
des transferts de richesse pour accélérer ce développement. Le problème
principal, ce qui est au cœur des 900 milliards de l’armement c’est la gestion
de la peur et de la domination : c’est typiquement un enjeu passionnel. Ce
qui est au cœur des 500 milliards de dollars sur la publicité, est au cœur du
problème de la gestion du désir dans nos sociétés. Ce qui est au cœur des 400
milliards autour des stupéfiants c’est que nous sommes dans des sociétés
toxico-maniaques.
La cupidité et le désir de
possession au cœur du mal développement mondial
Fondamentalement,
quand le seul projet de vie qui est proposé, dans une société de marché, est de
devenir un producteur compétitif cela veut dire que, comme le dit aussi bien le
discours économique que médical dominant, dans cette perspective la vie est un
combat qui de toute façon se termine mal. La mort est un échec, la vie est un
combat. C’est une vision totalement désespérante. Sur les deux questions
fondamentales de l’être humain qui sont la question de l’amour et la question
du sens, qui sont les deux ressources passionnelles majeures de tout être
humain, la réponse est qu’il n’y a pas de sens et autrui est une menace.
Nécessairement sur le plan émotionnel, cette réponse est une source de
désespoir et ce désespoir comment est-il compensé ? Il est compensé par un
processus d’oubli, d’excitation et de divertissement au sens pascalien du terme
et nos sociétés sont des sociétés maniaco-dépressives. Elles compensent en
permanence leur vide de projet, leur angoisse dans leur rapport à autrui et
dans le rapport à l’avenir par de l’excitation et dans les modalités de l’excitation
vous n’avez pas simplement les drogues sous les différentes formes, les drogues
classiques plus de l’alcool, du tabac, vous avez de la drogue sous la forme de
la richesse monétaire, la drogue du pouvoir, celle de la gloire, etc.…
C’est-à-dire que l’on a fondamentalement un mécanisme comparable au mécanisme
toxicomaniaque où la situation profonde de mal être que génère cette source de
désespérance est compensée par de la dose qui au fur et à mesure qu’elle est
prise fait la preuve de sa vacuité et donc il y a un « toujours
plus ».
C’est ce
que Gandhi avait appelé « la cupidité et le désir de possession » :
quand je prends mes chiffres des Nations Unies, mes 50 milliards d’un côté
qu’on n’arrive pas à trouver et puis de l’autre mes 900 milliards plus mes 500
milliards plus mes 400 milliards de dollars qu’on trouve par ailleurs. Gandhi
avait dit : « il y a suffisamment de ressources sur cette planète
pour répondre aux besoins de tous, mais il n’y en a pas assez s’il s’agit de
satisfaire la cupidité de chacun » ... Et singulièrement la cupidité des
acteurs qui sont les grands malades, les plus avancés dans la toxicomanie de la
passion de pouvoir ou de la passion de richesse.
A côté
des enjeux des éco-systèmes, des enjeux des socio systèmes qui sont bien évidemment
des enjeux structurants, il faut traiter aussi les enjeux passionnels, les
enjeux émotionnels. Je propose de les appeler enjeux des « écosystèmes
émotionnels » ou des émo-systèmes. Il s’agit des conditions dans
lesquelles des êtres humains peuvent aller dans une évolution
extraordinairement plus large que beaucoup d’autres espèces, vers des
situations qui tendent vers le meilleur de l’humanité mais qui peuvent aller
également vers le pire de l’inhumanité. Vous ne trouvez dans aucune autre
espèce l’équivalent des conditions de carnage qui, de la Saint-Barthélemy au
Rwanda en passant par Auschwitz, montrent le degré de maltraitance dont
l’espèce humaine est capable aussi bien à l’égard des autres espèces qu’à son
propre égard. Cette question de la production du désir d’humanité et de la
façon dont on travaille sur les environnements écologiques, sociologiques et
émotionnels, sur des espaces qui font que ce soit le meilleur de l’humanité
plutôt que le pire de l’humanité qui l’emporte c’est typiquement une question
qui est à la convergence du meilleur de la tradition socialiste et du meilleur
de la tradition écologiste.
Revisiter la question de la
richesse
Alors
pour faire ça il faut aussi aller s’attaquer à deux points durs sur lesquels la
tradition socialiste a, à mon avis, laissé en grande partie le chantier en
friche. C’est précisément la question qui a été amené à travailler ces
dernières années avec le « rapport à la richesse » de Patrick
Viveret : il s’agit de revisiter profondément la question de la nature même, de
la définition, de la production et de la richesse. Une convention historique
s’est élaborée, une sorte de compromis historique, culturel, entre la tradition
marxiste, la tradition libérale et la tradition keynésienne qui s’est
construite dans l’entre-deux-guerres, et qui s’est formalisée dans
l’après-guerre avec les systèmes de comptabilité nationale, avec la
représentation de la richesse avec l’agrégat le plus connu qui est bien
évidemment le PIB et qui ont comme caractéristique d’avoir une vision
totalement étriquée de la richesse et en grande partie contre-productive sur
les deux questions fondamentales sur lesquelles en définitive l’humanité joue
justement son avenir. Ces deux questions sont d’un côté la question écologique
et de l’autre la question humaine dans toute son épaisseur, la question sociale
étant évidemment l’un des enjeux majeurs de la question humaine mais la
question humaine ne se réduit ni à la question écologique ni à la question
sociale.
Sur le
plan écologique, notre vision de la richesse est quasiment inversée. À partir
du moment où on définit la richesse comme ce qui est rare est cher, tout bien
qui a la malencontreuse idée d’être abondant et gratuit est du même coup
considéré comme non richesse et à ce moment-là des biens écologiques
fondamentaux ne prennent de la valeur au sens économique du terme qu’à partir
du moment où ils sont en voie de destruction ou de pollution. L’eau, l’air,
etc. n’ont pas de valeur mais à partir du moment où il va falloir construire
une industrie de l’assainissement, de la dépollution, etc. ils vont prendre de
la valeur. Il en est de même d’ailleurs dans le rapport de l’eau et de l’amour.
Dans nos systèmes de comptabilité nationale, les rapports amoureux n’existent
que pour autant qu’ils sont tarifés. Ils n’ont aucune valeur s’ils sont
gratuits. Donc vous avez un changement radical sur la perception de la
richesse. C’est l’un des programmes majeurs d’un socialisme écologique,
j’appelle cela programme amour / eau fraîche, qui contrairement à ce que l’on
pourrait penser, est un des éléments fondamentaux de la construction du désir
d’humanité.
Il s’agit
donc de remettre en question des modes de représentation, et évidemment de
calcul de la richesse parce que derrière les comptes, vous avez des contes, je
veux dire que derrière des comptes, vous avez des choix de société, vous avez
des récits. L’identité narrative dont parle Paul Ricœur, ce sont les contes.
Vous avez un récit narratif qui s’est construit autour du couple de la guerre
et l’industrie dans l’entre-deux-guerres et qui s’est formalisé dans l’après
seconde guerre mondiale. Ce récit narratif est totalement inadapté aux
questions politiques, économiques, sociales et écologiques qui sont devant
nous.
Et
s’attaquer à ces questions apparemment techniques qui sont celles de la
représentation, du calcul de la richesse est tout à fait décisif.
Il existe
une convention totalement inacceptable qui fait que d’un côté il y a des
acteurs qui sont censés être des producteurs de richesse, sous-entendu les entreprises
et d’autre part des catégories qui sont censées être des ponctionneurs ou des
préleveurs de richesse. Quand la société accepte cette convention elle est déjà
en posture défensive. Or cette convention doit être remise en cause. Une fois
que vous avez accepté de dire que la totalité du travail domestique, qui
représente en temps humain un temps très nettement supérieur à ce que
représente le travail au sens statistique du terme, n’a pas de valeur. Quand
vous avez accepté de considérer que le bénévolat en termes économiques n’a pas
de valeur, vous êtes déjà dans la posture défensive puisque vous êtes condamnés
dans cette logique là où d’un côté il y a des producteurs et de l’autre des
préleveurs et des ponctionneurs à faire que les objectifs de justice sociale
inévitablement vont être perçus dans le débat démocratique comme un prélèvement
supplémentaire sur la richesse. Il va falloir plus d’impôt, plus de cotisations
sociales, etc. Si on veut mettre en cause complètement en question ceci, il
faut attaquer et renouveler très profondément la façon dont on nomme, dont on
représente et dont on compte la richesse.
Revoir le rapport à la monnaie
Il faudra
faire la même opération sur quelque chose qui est encore plus tabou et plus
insensé qui est le rapport à la monnaie. Les conditions dans lesquelles on
produit, on émet, on fait circuler les monnaies, correspondent à une situation
de captation qui est totalement gravissime sur le plan démocratique. La
construction d’un autre rapport à la monnaie est essentielle, de façon à ce que
la monnaie joue son rôle majeur qui est un rôle de facilitation d’échange et
d’activité. Alors qu’aujourd’hui, par rapport à cette fonction centrale, nous
avons des monnaies qui sont en situation de contre productivité. Pour reprendre
l’analyse fameuse d’Ivan Illich : pour 3 milliards d’êtres humains la
monnaie ne joue pas son rôle de facilitateur de l’échange et de l’activité
puisqu’il n’y a pas, ou pas assez de monnaie. Quand vous avez 3 milliards
d’êtres humains qui n’ont pas accès aux crédits bancaires , ou qui vivent avec
moins de 1 ou 2 dollars par jour, et bien cela veut dire que la monnaie ne
remplit pas son rôle. Donc il y a une sous monétarisation à un pole et sur
monétarisation à un autre pole : aujourd’hui dans le monde, 225 personnes
disposent d’une fortune totale qui est égale aux revenus cumulés de 3 milliards
et demi d’êtres humains ! C’est tout simplement de l’hyperinflation dans
l’économie spéculative. Vous remarquerez d’ailleurs que le phénomène de
toxicomanie maniaco-dépressive que j’évoquais tout à l’heure, atteint
précisément dans l’économie spéculative sa forme la plus radicale . Rappelez
vous ce disait le « Wall Street Journal » au moment du krach de
1987 : « Wall Street ne connaît que deux sentiments : l’euphorie
ou la panique ». L’économie spéculative est une économie de la drogue au
sens propre comme au sens figuré. Arrêtons de faire cadeau des libertés au
capitalisme
Pour
faire converger le meilleur de la tradition écologique et le meilleur de la
tradition socialiste, faire converger, dans une perspective planétaire, la
construction européenne et la construction de l’identité française par rapport
à ce double enjeu écologique, et ce double enjeu de la question humaine et de
la question sociale ; alors, le cœur de ce projet c’est effectivement de
penser une alternative aux logiques de guerre ... et aux logiques de guerre
dans le rapport à la nature. Souvenons-nous de l’une des phrases les plus
significatives de la modernité prononcée par le philosophe Francis Bacon, qui
fait apparaître notre Descartes extraordinairement timide. Bacon a osé dire
ceci : « la nature est une femme publique, il nous faut la mater, en
pénétrer les secrets et la plier à nos désirs ». Il y a un lien profond
entre la posture machiste et la posture anti écologique. L’enjeu est bien de
sortir du rapport guerrier à la nature, du rapport guerrier à autrui, du cœur
même de la logique de ce qu’il faut bien appeler, non pas du libéralisme, mais
du capitalisme autoritaire. Arrêtons de faire des cadeaux au capitalisme !
On lui avait fait cadeau de la mondialité, heureusement maintenant avec cet
autre imaginaire, qui est « qu’un autre monde est possible », il y a
une réappropriation démocratique positive de la mondialité. On sait bien aujourd’hui
que le temple de l’anti-mondialisation est à Washington. C’est là que partout
où il y a du projet de régulation mondiale nous avons, arc-boutée,
l’administration américaine contre tout projet de régulation écologique, contre
toute régulation judiciaire : la Cour Pénale Internationale, contre toutes
réformes des Nations Unies qui iraient dans le sens d’une régulation mondiale.
Donc de la même façon que nous avons commencé à réincorporer l’imaginaire
positif de la mondialité en le remettant dans la trajectoire historique de
l’internationalisme, il nous faut faire la même chose sur la question des
libertés et arrêter de faire cadeau au capitalisme des libertés et du
libéralisme ! Rappelons nous la distinction majeure de Fernand Braudel
entre marché et capitalisme, ou la distinction de Polanyi entre économie de
marché et société de marché. Le capitalisme est une logique de puissance qui
détruit tous les échanges, y compris les échanges économiques marchands. Il
faut de la régulation pour maintenir l’échange y compris des marchés c’est en
ce sens que les marchés et les économies sociales des marchés des Etats
providences sont en grande partie une conquête des mouvements ouvriers, parce
que le cadre juridique, politique qui permet la régulation est le cadre même
qui permet d’éviter la destruction par le capitalisme des logiques d’échanges,
y compris des logiques d’échange marchands.
Grandir en humanité
Sortir de
la logique de guerre dans les rapports à autrui c’est arrêter de considérer que
la vie est un combat perpétuel contre autrui, que cet autrui soit l’autre
personne, ou l’autre peuple ou n’importe quelle catégorie d’acteurs. L’aventure
humaine doit être vécue comme une aventure mystérieuse, dans laquelle les
autres sont des compagnons de voyage dans cette aventure, et du même coup
sortir, aussi, de la logique de guerre dans le rapport à soi -même. De la même
façon que vous avez une tension dynamique entre le local et le global, il nous
faut penser l’autre tension dynamique qui est entre le personnel et le mondial.
L’enjeu de l’aventure humaine se joue simultanément pour la collectivité
humaine dans son ensemble et dans chacune de nos propres vies. Comment pouvons
nous échapper aux logiques de peur ? Et de désespérance ?
Comment
pouvons nous échapper dans nos propres vies aux logiques de guerre ?
Qu’est ce que la guerre intérieure contre soi ? Et bien, c’est cette situation
permanente de la tension (en 2 mots ) alors que l’alternative positive :
ce que disent, par exemple, des sagesses ou des traditions, c’est l’attention (en
un seul mot), c’est l’art de vivre « à la bonne heure », l’art d’être
intensément présent à l’aventure de vie, et de vivre le présent comme un
cadeau. La captation du temps, soit par la passion de richesse monétaire dans
le capitalisme soit par la passion de puissance telle que le collectivisme
d’état nous l’a dévoilée, est en permanence un système de dépossession du temps
présent au nom d’un avenir futur. Le temps ne devient de l’argent que parce que
c’est un temps mort, qui devient de l’argent ou qui devient du pouvoir en terme
du passion de puissance ; donc, l’art de bien-vivre devient ou redevient
une question politique centrale. Le mal développement mondial, qu’on retrouve
dans les 900 milliards de dollars de la peur et de la domination de l’armement,
dans les 500 milliards de dollars de la publicité, dans les 400 milliards de
dollars des stupéfiants, vient d’un dérèglement majeur du désir en désir de
possession. La façon dont nous changeons la nature de nos désirs, pour que la
nature du désir soit un désir dans l’ordre du développement de l’être et pas
simplement de l’avoir est une question qui avait déjà été posée en son temps
par Marx avec celle du passage du règne de la nécessité au règne de la
liberté : la liberté n’est un cadeau pour l’humanité, individuellement ou
collectivement que, pour autant que nous sommes capables de « grandir en
humanité ».
Produire de la haute qualité
démocratique
Et cette
question là est éminemment une question politique, ce n’est pas simplement une
question privée ou une question personnelle, il faut construire la question
humaine comme question politique et du même coup, et c’est mon dernier point,
l’enjeu démocratique et l’enjeu d’une mutation de la qualité démocratique
devient déterminant. Tant que la démocratie reste une forme historique de
démilitarisation de la lutte pour le pouvoir, c’est évidemment un progrès
formidable dans l’histoire humaine, il suffit de voir ce qui se passe à chaque
fois que la lutte pour le pouvoir devient ou redevient violente. Mais si elle
reste la lutte pour le pouvoir, en tant droit à dominer autrui, cette forme
démocratique là n’est pas en état de traiter la plupart des questions qui sont
devant nous, du niveau le plus global au niveau le plus local. Face à des
questions ou le degré de complexité est important, où on ne peut pas dire que
les choix se présentent d’une façon binaire ; une démocratie qui se
définit simplement par une origine quantitative du droit à dominer autrui, ne
peut pas traiter ces questions là. Donc nous avons besoin de produire de la
haute qualité démocratique, c’est à dire une démocratie qui change la nature du
rapport au pouvoir. C’est ce qui était d’ailleurs le cœur du programme auto-gestionnaire.
Il y a une formidable actualité de la question auto-gestionnaire ; parce
que la question humaine c’est la question de l’auto-gouvernance de l’humanité
par elle même ... ce qui est la question auto-gestionnaire par
excellence ! Eh bien ; on ne peut construire de la qualité d’ auto-gouvernance
de collectivités humaines que pour autant que la démocratie se définit par la
qualité de formation du jugement civique, c’est la qualité de citoyenneté,
beaucoup plus que la quantité originaire du nombre de gens qui définit une
ligne qui devient à ce moment là le critère des civismes.
Mieux vivre ensemble… Osons la
fraternité !
Et là
nous avons des questions qui sont très concrètes. Ca me passionne tout à fait.
C’est pour ça que j’ai accepté de revenir dans des lieux, parce je pense
aujourd’hui, qu’entre les acteurs de cette société non seulement civile mais
civique internationale et des acteurs membres des partis, il y a un enjeu
absolument considérable à construire un processus de qualité démocratique
large, tel que ce soit des millions de personnes et non pas des milliers de
personnes, qui construisent le processus qui donnera une réponse de qualité
démocratique à des enjeux tels que 2020 pour la France ou aux enjeux de même
nature qui sont devant nous sur le plan européen ou sur le plan mondial. Et
donc si on lie ces questions là, il y a bien une tension dynamique entre des
enjeux de transformation collective sur le plan écologique et social, mais
aussi des enjeux de transformation personnelle qui doivent être pensés, non pas
contradictoirement, mais de façon complémentaire et dynamique.
Ecologie au Quotidien Rhône-Alpes
Texte
de Patrick Viveret aux Rencontres de Die, (réactualisé)
Le
Chastel 26150 DIE, France
Tel
: 04 75 21 00 56
« Réseau Diois Transition
Biovallée de la Drôme »
Membre
du réseau CENTRE : European Network of Bio-Districts
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