Chantal Jouanno: «L’accord de Nagoya dit clairement que la biodiversité ne vaut pas zéro»
Chantal Jouanno, le mardi 2 novembre au ministère de l'Ecologie lors du rapport d'étape du Grenelle de l'Environnement. MEIGNEUX/SIPA
INTERVIEW - De retour du sommet sur la biodiversité de Nagoya (Japon), qui s'est achevé samedi 30 octobre, la secrétaire d'Etat à l'Ecologie Chantal Jouanno explique pour 20minutes.fr les enjeux de l'accord signé par les 193 pays présents…
On parle d’un accord « historique » pris à Nagoya. Partagez-vous cet enthousiasme?
C’est bien un accord historique. Pour la première fois cet accord fait de la biodiversité non plus une question de «petites fleurs», mais une vraie question de développement. On reconnaît qu’il n’y a pas de développement possible sans la protection de la biodiversité. C’est historique aussi car depuis Kyoto, c’est la première fois que la communauté internationale parvient à un accord sur l’environnement. Et l’Afrique a eu un rôle moteur dans cet accord.
Concrètement qu’est-ce que cet accord va changer pour la biodiversité dans le monde?
Il y a eu trois grandes décisions: un plan stratégique qui fixe vingt objectifs, par exemple sur la création de 17% d’aires protégées sur terre, et de 10% en mer, contre 13% et 1% actuellement. La France avait affiché une ambition de 25% sur terre, et de 15% sur mer, et nous ne pensions pas descendre en dessous de 20% et 10%... Deuxièmement la mobilisation des ressources pour ces objectifs. Troisièmement un accord sur l’accès et le partage des bénéfices issus des ressources génétiques. Une autre grande décision importante a été le soutien à la création d’une sorte de Giec (Groupe d’experts) de la biodiversité. Cela laisse espérer que dès novembre aux Nations unies, cet organisme soit créé.
Mais les Etats-Unis n’ont pas signé cet accord. Est-ce que cela ne lui enlève pas un peu de crédit?
Les Etats-Unis n’étaient pas signataires de la convention sur la biodiversité de 1992, il n’a jamais été question qu’ils signent la convention de Nagoya.
Les objectifs du dernier accord sur la biodiversité, qui remonte à 2002, n’avaient pas été atteints. Qu’est-ce qui permet de dire que cette fois-ci ils le seront?
En 2002 on avait dit qu’il fallait arrêter l’érosion de la biodiversité, sauf que personne ne savait quel était l’état de la biodiversité, donc n’importe qui pouvait dire qu’il avait arrêté cette érosion, sans qu’un organisme puisse valider. A Nagoya on a des objectifs précis. Les pays de l’Union européenne par exemple, vont devoir dire comment ils vont faire pour augmenter le nombre d’aires protégées. L’ensemble des pays fournisseurs de ressources génétiques, essentiellement des pays africains, vont, eux, prendre des législations qui vont réglementer et faire payer des droits pour l’accès à ces ressources. Par exemple 60% des médicaments utilisés dans la lutte contre le cancer viennent de végétaux issus des forêts tropicales, en cosmétique c’est pareil, et n’importe quelle entreprise peut venir se servir et détruire la ressource. C’est quelque chose qu’on ne voit dans aucun autre domaine. Et bien demain ce ne sera plus possible. C’est un profond changement, car cet accord dit clairement que la biodiversité ne vaut pas zéro.
Est-on certains que les fonds mobilisés pour ces droits d’accès serviront à préserver la biodiversité?
Oui, les Etats africains ont d’ailleurs proposé un fonds multilatéral qui servira à la biodiversité. Et la France a été le premier Etat à la soutenir en proposant un million d’euros pour le lancer.
Financièrement quels sont les autres engagements de la France?
Nous allons doubler la part de la biodiversité dans l’aide publique au développement, soit 100 millions d’euros supplémentaires d’ici à 2012. Ensuite nous allons porter la part de la biodiversité à 10% de l’aide publique au développement: chaque projet devra contribuer à protéger la biodiversité. Cela fera un engagement financier de 500 millions d’euros à partir de 2014. Seuls trois Etats ont fait des annonces d’engagement financier: le Japon, le Royaume Uni et la France. L’Allemagne l’avait fait au début de l’année.
Comment la France va-t-elle s’y prendre pour atteindre les objectifs d’aires protégées?
Actuellement nous sommes à 12,5% d’aires protégées sur terre, et 2% en mer. Les objectifs du Grenelle de l’Environnement doivent nous permettre d’atteindre ceux fixés à Nagoya. Nous avons déjà deux parcs marins de lancés, la mer d’Iroise et Mayotte, et un troisième sera annoncé d’ici la fin de l’année. Le parc national des Calanques sera lui officialisé avant la fin de l’année également.
L’accord à Nagoya représente-t-il un signe positif avant le sommet de Cancun?
C’est un point positif car on sait maintenant que la communauté internationale est capable de prendre un accord très difficile, comme celui sur l’accès aux ressources. On en parlait depuis huit ans! C’est un message positif pour l’environnement en général. Après on n’est pas sur les mêmes enjeux. A Cancun on aura peut-être des décisions sur la forêt, mais on aura un handicap, c’est la position des Etats-Unis. En raison des élections, ils ne pourront probablement pas prendre de gros engagement. La Chine, elle, fait des choses, investit, mais ne veut pas rendre de compte à la communauté internationale…
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