Transition énergétique: les derniers arbitrages font grincer des dents
Mais au ministère, on démentait toute modification en catimini.
Après un an et demi de débats, la ministre de l'Ecologie a enfin présenté mercredi une communication sur le «nouveau modèle énergétique français» plus sobre, moins polluant, et moins nucléarisé.
Dans la foulée, elle en a dévoilé les grandes lignes à la presse: des objectifs ambitieux, dont la réduction par deux de la consommation d'énergie d'ici 2050, ou encore des mesures pour accélérer la rénovation énergétique des bâtiments, l'essor des énergies renouvelables...
Mais jeudi, ONG et écologistes grinçaient des dents.
Europe-Ecologie Les-Verts (EELV), satisfait mercredi d'un texte qualifié de «tournant» dans la politique énergétique de la France, exige désormais le retrait de deux articles.
Les articles 34 et 35 autorisent le gouvernement à passer par décrets pour décider du lieu d'enfouissement de déchets nucléaire alors que les écologistes veulent un débat parlementaire. Un projet contesté est en cours d'expérimentation à Bure (Meuse) .
«Ségolène Royal, en présentant son texte à la presse mercredi matin n'a pas mentionné ces articles, pas plus» qu'elle ne l'a fait «ce matin devant le Conseil économique, social et environnemental (CESE)», a assuré à l'AFP le porte-parole d'EELV Julien Bayou.
Or ces deux articles figurent pourtant dans la version finale du projet de loi diffusé mercredi soir.
«Ségolène Royal est quelqu'un d'influent mais malgré tout, on lui corrige son texte après sa conférence de presse», a commenté M. Bayou. Les Amis de la Terre crient eux à la «manipulation».
Au cabinet du Mme Royal, on explique qu'un «certain nombre de points étaient en calage» mercredi et donc pas totalement réglés «quand on a imprimé les documents» distribués lors de la conférence de presse.
A la Fondation Hulot (FNH), une des rares ONG environnementales à avoir offert un satisfecit au texte, on craint que «toutes les formes de conservatisme se re-battent pour amoindrir la loi».
- Un texte «qui va bouger encore»
Leur grief porte sur la rénovation énergétique.
Dans «l'exposé des motifs» de la loi, rendu public mercredi après-midi, l'article 6 instaurait «une obligation d'améliorer significativement la performance énergétique d'un bâtiment à chaque fois que des travaux importants sont réalisés».
Mais dans le projet de loi finalisé, il est d'abord question d'une «étude de faisabilité technique et économique» devant démontrer «l'absence de disproportion manifeste entre ses avantages et ses inconvénients».
«La rédaction actuelle est trop prudente. On ne peut pas redemander une étude pour qu'il y ait des travaux à chaque fois, sinon ça ne sera jamais appliqué», s'inquiète Matthieu Orphelin, conseiller spécial de la FNH pour les questions d'énergie.
Pour le ministère, il n'y a «pas du tout de modification là-dessus». «C'est bien une obligation de travaux de performance énergétique quand il y a des rénovations lourdes, mais si ce n'est techniquement pas possible, on ne l'impose pas».
Dernier point de discorde: les réductions de gaz à effet de serre (GES).
Selon le texte, la France a pour objectif «de réduire les GES afin de contribuer à l'objectif européen d'une baisse de 40% en 2030», l'objectif national devant être «précisé» ultérieurement.
Or, interrogée lors de sa conférence de presse pour savoir si ces 40% correspondaient aussi à l'objectif de la France seule, Mme Royal avait répondu: «oui».
Qui croire? «Le cap de la France est ce que la ministre a déclaré hier», assure-t-on au ministère.
Le texte a été présenté jeudi au CESE et Conseil national de la Transition énergétique qui rendront des avis. Sa version définitive sera officiellement présentée devant le Conseil des ministres avant de partir au Parlement à l'automne.
«Il s'agit d'un texte qui est parti en concertation, qui va bouger encore. Ce n'est pas le projet de loi, d'où les formulations qui peuvent ne pas être totalement stabilisées», précisait-on encore au ministère.
MCD avec APL
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